Via L'USINE AÉRO
“D’ici 2021, nous voulons certifier la motorisation d’un petit avion électrique”, annonce le fondateur de Faraday Aerospace
SIMON CHODORGE GIRONDE , NOUVELLE-AQUITAINE , ÎLE-DE-FRANCE , YVELINES , AÉRONAUTIQUE
PUBLIÉ LE 26/03/2020 À 06H30
Fondée en 2018 par un ancien d'Airbus, la start-up française Faraday Aerospace veut se spécialiser dans la certification et le développement des systèmes de propulsion des aéronefs. Le dirigeant de la jeune pousse, Gilles Rosenberger, dévoile ses projets.
Gilles Rosenberger est l'ex-directeur des opérations de Voltair, la filiale d'Airbus qui a développé l'avion électrique E-Fan.© Airbus
En 2017, Airbus abandonnait E-Fan, son projet d’avion biplace 100 % électrique. Mais les équipes derrière le projet n’ont pas enterré l’idée de développer les systèmes de propulsion électrique dans le transport aérien. Ancien directeur des opérations de Voltair (la filiale d’Airbus qui a développé l’E-Fan), Gilles Rosenberger a fondé la start-up Faraday Aerospace en 2018.
Aujourd’hui, la start-up est installée à Versailles (Yvelines) et compte cinq collaborateurs. Elle souhaite devenir l’un des premiers acteurs français à se spécialiser dans la motorisation des petits avions électriques et des VTOL (Vertical Take-off and Landing aircraft). La start-up a été incubée chez IncubAlliance à Paris-Saclay et fait partie de l’accélérateur parisien de la deep tech Wilco. Dans un entretien avec L’Usine Nouvelle, Gilles Rosenberger explique ses projets et analyse le marché des taxis volants.
L’Usine Nouvelle. - Quelles sont les origines de Faraday Aerospace ?
Gilles Rosenberger. - Parmi les six co-fondateurs, nous étions trois à travailler sur le programme E-Fan d’Airbus. Le programme a été arrêté pour des raisons qui tiennent plus des affres des grands groupes que de la stratégie industrielle. Quand il s’est terminé, l’ensemble des équipes se sont interrogées sur leur devenir et comment nous allions transformer le savoir-faire que nous avions acquis sur ce programme, qui était perçu par la petite communauté de l’aviation électrique comme étant le programme le plus en pointe à l’époque. Nous étions en discussions avancées avec l’EASA (Agence européenne de la sécurité aérienne) pour certifier l’appareil.
Parmi les équipes, trois projets sont nés : Voltareo qui fait naître un avion hybride, Ascendance Flight Technologies qui travaille sur un VTOL et Faraday Aerospace qui a décidé de se positionner non pas sur un véhicule mais sur le système de propulsion, l’ensemble qui comprend à la fois la source d’énergie, les modules électroniques et les moteurs. À mesure que les technologies vont gagner en maturité, cela pourra être des sources hybrides, des piles à combustibles ou un mélange de tout cela. Aujourd’hui, nous sommes une start-up très conceptuelle mais nous sommes en train de basculer du concept aux réalisations.
“Le marché du vol urbain est celui qui va permettre de développer réellement l’aviation électrique”
Quelles sont les compétences de votre entreprise dans l’aviation électrique ?
Faraday Aerospace est un intégrateur qui se positionne sur le marché de la propulsion électrique et hybride des avions. Notre marché cible à horizon 10 ans est celui des taxis volants. Et il y a une quantité de marchés intermédiaires qui sont des niches plus ou moins grandes, notamment parce que les niveaux de sécurité exigés ne sont pas les mêmes.
Nous sommes des experts de la certification. Nous savons comprendre les contraintes et les exigences et nous savons les spécifier pour dire exactement ce dont nous avons besoin. C’est le premier métier de l’ingénieur : face à un problème, être capable de décrire la réalité de mon besoin. Notre compétence est plus celle d’un architecte industriel sur la batterie que d’un spécialiste d’une technologie.
À quels marchés de niche pensez-vous ?
Le marché du vol urbain est celui qui va permettre de développer réellement l’aviation électrique. C’est un marché de masse que nous allons voir apparaître à partir de 2030. En attendant, il existe des marchés de niche : l’avion école biplace, l’avion de voltige électrique, celui des compagnies aériennes qui ont des vols courts. Il y a une trentaine de compagnies aériennes dans le monde qui ont des vols de moins de 20 minutes. Des vols d’île en île ou qui traversent un fjord par exemple. Pour ces compagnies aériennes, la propulsion électrique commence à avoir du sens.
Est-ce qu’on pourrait voir aussi des VTOL dans la campagne en modèle commercial ?
Je n’ai pas encore compris le modèle commercial de ces appareils. Dans la campagne, il y a de la surface et une longueur de piste pour décoller et on s’embête beaucoup moins avec un avion qui est plus simple que le VTOL. L’intérêt du VTOL est de décoller et de se poser verticalement dans des espaces qui sont denses.
“Il y a de la place sur ce marché pour un petit acteur agile qui va essayer de chercher le meilleur de l’aéronautique et de l’automobile”
Est-ce que c’est une réflexion engagée chez les motoristes aéronautiques ?
C’est évident. Nous sommes issus de ces motoristes pour un certain nombre d’entre nous. Le véhicule eVTOL sera un véhicule quatre ou cinq places beaucoup moins cher que l’équivalent hélicoptère tels que nous le connaissons aujourd’hui. Un hélicoptère mono-turbine ou bi-turbine aujourd’hui vaut entre 2 et 3 millions de dollars. L’eVTOL s’il se développe réellement, sera un appareil sur le marché à un dixième de ce prix, entre 200 000 et 300 000 dollars. Dans cet eVTOL, le système propulsif vaut 20 %, hors batterie, donc environ 50 000 dollars. Il n’y a aucun système complet chez les grands constructeurs à leur catalogue qui vaut 50 000 dollars.
Nous sommes à cheval entre l’industrie automobile et l’industrie aéronautique. Les prévisions à terme des eVTOL, ce sont 100 000 véhicules en l’air à comparer à 25 000 avions de ligne qui volent aujourd’hui et construits en 40 ou 50 ans. Là, il s’agit de construire cette flotte de 100 000 eVTOL en 10 ou 15 ans. Nous ne sommes plus du tout dans la même échelle mais nous sommes encore très loin de l’industrie automobile premium qui représente 20 000 à 50 000 véhicules par an et par constructeur. Il y a de la place sur ce marché pour un petit acteur agile qui va essayer de chercher le meilleur des deux mondes. C’est-à-dire savoir ce qu’il faut faire pour certifier, tenir le niveau de sécurité nécessaire, et intégrer dans nos composants des pièces issues de l’automobile.
Nous sommes persuadés que si nous voulons progresser bien et vite sur la propulsion aéronautique, il faut comprendre ce qui se passe dans la propulsion automobile. C’est-à-dire que nous allons aller chercher des composants des voitures électriques : cellules de batteries, calculateurs, connecteurs, capteurs... Tout cela pour permettre de répondre à l’équation économique que nous voyons sur l’aviation électrique.
Un futur consortium sur les batteries des avions électriques
Quelles vont être les prochaines étapes pour Faraday Aerospace ?
Faraday est en train de s’associer avec deux PME de la région bordelaise qui ont une vingtaine d’années d’expérience : Neogy (Mérignac, Gironde) qui développe la batterie terrestre et automobile de compétition et Exoès (Gradignan, Gironde) qui est un spécialiste de la gestion thermique des systèmes électriques et mécaniques. Nous sommes trois experts chacun dans notre domaine et nous allons bientôt créer le consortium GigaSafe qui va concevoir et produire les batteries pour les systèmes propulsifs. Nous allons d’abord développer des batteries pour les marchés de niche que j’ai évoqué.
D’ici fin 2021, Faraday Aerospace veut certifier un premier système complet, c’est-à-dire la motorisation d’un petit avion 100 % électrique : une batterie, une électronique et un moteur. Nous avons sélectionné l’avion, c’est un appareil en kit largement vendu aux États-Unis. C’est un avion suffisamment répandu pour que nous puissions l’utiliser facilement pour aller vendre ensuite des kits de systèmes propulsifs.